Briques de verre : l’histoire

Construire avec de la lumière : ce pourrait, ou devrait être, la devise de tous les aventuriers de la construction qui se sont lancés dans l’utilisation de la brique de verre au fil des ans, curieux ou impatients de mettre en œuvre un produit original, porteur de nouveauté et d’innovation : incorporer du verre dans le béton, marcher sur des planchers lumineux, éclairer un pignon inaccessible…

Briques de verre : qu’est-ce que c’est ?

De Mallet-Stevens à Renzo Piano, tous ont utilisé la brique de verre à un moment ou un autre. Et, comme l’écrivait Guillaume Saalburg il y a quelques années, « mine de rien, elle tient bien le coup cette bonne vieille brique de verre. Comme quelques grandes artistes, elle a le temps pour elle…C’est vrai, on l’a tous aimée à différents moments, un peu, beaucoup (passionnément) et pas du tout. La voilà repartie pour un tour… ».

Clairement, la brique de verre est un produit du XXème siècle. Et pourtant, dès le XVIIIème siècle, on utilisait les premiers pavés de verre pour éclairer l’intérieur des navires : de grosses pièces longues de verre plein, plates en surface, et de forme triangulaire ou prismatique en sous-face, pour diffuser la lumière dans les cales des bateaux. Un système un peu rustique, certes, mais qui a fonctionné durant un bon moment. Ces « dalles marines » allaient donner des idées aux bâtisseurs pour la suite.

La suite, ce sont les grandes dalles de verre qui allaient être utilisées dans la deuxième partie du XIXème siècle pour former des planchers lumineux dans les endroits où l’on reçoit beaucoup de monde : grands magasins parisiens, halls d’accueil des banques, coursives du Familistère de Guise, les exemples ne manquent pas. Un plaisir pour l’architecte d’utiliser l’éclairage zénithal sur plusieurs niveaux ; et la magie pour le public de marcher sur des surfaces de verre. La compagnie de Saint-Gobain propose des formats de dalles texturées en surface – les fameuses dalles « chocolat » – de dimensions 30x30cm jusqu’à 45x45cm, et d’épaisseur 3 à 3.5cm ; elles sont posées dans des trémies métalliques formées de cornières et de fers en T avec un jointoiement simple en surface. Le verre est coulé dans des moules de grande longueur, et découpé durant la fabrication lorsque le verre est encore chaud, ou tronçonné à froid. On trouve des exemples de dalles longues – jusqu’à 90cm – qui étaient utilisées pour constituer des marches d’escalier. Plus tard, les verriers réaliseront des dalles de dimensions encore plus importantes, jusqu’à 60x60cm. Les techniques et les secrets de fabrication se sont d’ailleurs perdus avec le temps ; de nos jours, il devient très difficile de trouver des industriels qui sachent encore manier ces grandes masses de verre et les mouler.

La brique de verre Falconnier

C’est vers la fin du XIXème siècle qu’un architecte suisse, Gustave Falconnier, créa le concept de la brique de verre creuse. Il dessina plusieurs formes de briques de verre, et demanda aux verriers de souffler les pièces à la bouche, comme des flacons ; lesdites pièces étaient bouchées tout de suite après la fabrication lorsque le verre était encore brûlant, avec l’ajout d’une goutte de verre sur l’ouverture. Falconnier déposa plusieurs brevets, et fit connaître ces produits révolutionnaires qui connurent rapidement un succès important en Europe, et aux Etats-unis aussi puisqu’il profita d’une exposition universelle à Chicago pour présenter ses briques de verre. Outre l’originalité du concept – de l’air stocké dans les murs ! – Falconnier mit en avant l’esthétique nouvelle du produit verrier, la propreté et l’hygiène du matériau, son faible poids, ainsi que les avantages de l’isolation thermique et phonique. Et il proposa du verre de couleur pour jouer avec la lumière naturelle.

La mise en œuvre des briques de verre Falconnier n’était pas forcément l’exercice le plus facile sur le terrain : le verre n’absorbe pas l’humidité du liant utilisé, et puis il faut des pièces complémentaires pour terminer les parois en périphérie. L’inventeur avait eu l’idée de créer des rainures et un mollet sur le chant des briques, ce qui permettait au maçon de créer des nervures de mortier entre les éléments, en sorte que les briques se tenaient entre elles par un effet de clavetage.

Le succès était au rendez-vous, et beaucoup d’architectes se passionnèrent pour les parois de verre Falconnier, utilisant souvent les briques de verre pour éclairer et décorer les cages d’escalier. C’était un produit qui plaisait énormément, au moment de l’avènement de l’Art nouveau. Pourtant, le concept lancé vers 1885 ne survivra pas longtemps à son inventeur qui mourut en 1913 ; durant et après la première guerre mondiale, on ne devait plus voir beaucoup de réalisations avec les briques de verre Falconnier.

La mise en oeuvre des briques de verre

Parallèlement aux travaux de Falconnier, c’est un maçon qui va révolutionner l’utilisation des dalles et pavés de verre au début du XXème siècle avec le concept du « béton translucide ». Gustave Joachim a l’idée d’inclure des pièces de verre dans le béton de ses planchers. Il dépose des brevets et demande à Saint Gobain de fabriquer pour lui des pavés ronds et carrés, de dimensions 10x10cm à 20x20cm ; comme les briques de verre Falconnier, les pavés Joachim comportent un mollet sur le chant qui permet de les bloquer solidement dans le béton et passer des aciers dans les nervures. Lesdites nervures vont constituer le corps et la structure du panneau, en sorte que dans la plupart des conceptions de construction le verre ne travaille pas beaucoup à la compression ni à la flexion ou traction ; ce sont les nervures de béton ou mortier armé qui assurent la tenue de l’ensemble. Ce sont également ces grilles de nervures qui vont permettre d’établir des notes de calcul sur la résistance des panneaux, le verre n’étant généralement pas pris en compte dans le calcul.

On assiste alors à un essor très rapide du marché à partir de 1920 ; Mallet-Stevens, Pingusson, Perret, et puis Le Corbusier, Lurçat, tous les grands noms de l’architecture se sont intéressés, amusés ou passionnés pour le produit verrier qui donnait la possibilité de laisser passer la lumière à travers les murs et les plafonds, donner une touche de légèreté, éclairer une pièce de façon originale, ou tout simplement vivre avec le verre, un matériau fascinant. L’exemple le plus abouti et le plus connu est bien sûr la Maison de Verre de la rue St Guillaume à Paris ; utilisant la dalle Nevada 20×20 de Saint Gobain, Pierre Chareau construit une maison faite de deux grandes façades translucides, et en fait la fameuse « lanterne magique » qui brille le jour comme la nuit. Les architectes ont utilisé tour à tour les pavés 10x10cm ou diamètre 10cm, les barrettes fines de 25x5cm, et les dalles carrées 20x20cm qui seront remplacées ensuite par les briques de verre creuses. Tous ces produits de géométrie simple répondaient au souhait des concepteurs de cette période Art Déco, et venaient s’intégrer agréablement dans les lignes rigoureuses du nouveau style recherché de l’époque.

Les entrepreneurs et maçons n’étaient pas en reste : Divorne et Dindeleux ont rivalisé sur la place pour réaliser des voûtes, coupoles et dômes en béton translucide, démontrant une connaissance approfondie de la technique de construction, faisant preuve d’une grande audace toujours contrôlée, et d’un sens esthétique indéniable. On est toujours frappé par la légèreté, le charme et l’élégance de ces voûtes qui jalonnent la capitale, celles qui sont connues et puis d’autres que l’on découvre par hasard au fond d’une cour.

Arrivent les années 50, c’est la période de la reconstruction après la deuxième guerre mondiale. Peu de temps avant le début du conflit, les américains puis les français et les allemands avaient mis au point la brique de verre isolante : deux demi-coquilles assemblées à chaud pour constituer une brique, avec une couche de peinture sur le chant pour améliorer l’adhérence du mortier, cacher ce même mortier, et accroître la luminosité du produit. C’est la brique de verre que nous connaissons aujourd’hui. C’est aussi le pavé de verre isolant, qui est utilisé pour les planchers. Ici comme là, on obtient une amélioration de l’isolation thermique, un affaiblissement acoustique, et une forte réduction du risque de condensation. Le format 19x19x8cm devient le grand standard européen (20x20x10cm aux Etats-Unis, soit 8x8x4 pouces), et les verriers allemands qui ont mécanisé plus tôt que d’autres la fabrication des briques, deviennent les premiers producteurs mondiaux. Saint Gobain fait produire les briques de verre dans ses deux usines allemandes, réservant ses capacités en France pour les tuiles, les dalles et les pavés. D’autres formats standards sont développés, depuis 11.5×11.5cm jusqu’à 30x30cm. Le produit verrier est utilisé en priorité dans les façades pour éclairer les cages d’escalier, mais aussi pour de nouvelles applications comme des murs anti-bruit, des coupe-vent, des sources d’éclairage dans les locaux techniques (« le jour de souffrance »), des salles de sport.

Et puis, à partir de 1970, les ventes baissent rapidement, un peu partout dans le monde. Effet de lassitude, peut-être ? On a mis des briques de verre un peu partout, avec un résultat esthétique inégal ; surtout, beaucoup de réalisations ont été faites sans respecter les principes de mise en œuvre du produit verrier, …le verre lasse, et parfois le verre casse.

Il faut attendre le début des années 80 pour assister à une reprise du marché, conséquence d’un effet de mode venu des USA et du Japon. Quelques grands architectes comme Richard Meyers prescrivent à nouveau le produit verrier, et mettent en avant la brique de verre Claire (Clearview) transparente et sans motif, la plus sobre et peut-être la plus belle. Progressivement, la demande repart. Des briques de verre et des pavés techniques permettent de répondre à la règlementation sur la résistance au feu demandée dans la construction. Le lancement par les italiens des briques de couleurs et du verre dépoli plait beaucoup. L’assemblage des briques de verre connaît aussi une évolution intéressante, avec la mise au point de systèmes de montage à sec, donnant des joints très fins en silicone en remplacement du mortier. La brique de verre entre dans la maison : matériau de prestige et de décoration, choisi pour les salles d’eau comme pour les pièces à vivre, le produit qui avait été un temps délaissé reprend ses titres de noblesse. Renzo Piano révolutionne et fascine avec la construction de l’immeuble Hermès de Tokyo ‘ tout en verre’, Calatrava crée la nouvelle gare TGV de Liège avec des quais en béton blanc et pavés de verre. Et l’on commence à réhabiliter un peu partout les réalisations des années 30. « Glass is back, glass is beautiful ! ».

Avec la crise du marché du Bâtiment, la reprise s’est arrêtée à nouveau. Et puis il faut trouver des solutions pour répondre positivement à la Règlementation. Les verriers et les applicateurs préparent la brique de demain, qui donnera une réponse appropriée aux exigences d’isolation thermique requises.

Michel Kagan avait écrit en 1998 : « un mur en briques de verre est une grille vivante qui transforme l’opacité en transparence ; c’est un mur de béton armé sans béton ; c’est un mur de lumière diffuse qui évoque une membrane inondée de clarté ». La brique de verre n’a pas d’âge, son histoire courte est déjà longue ; elle a encore de beaux jours devant elle !

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